01 avril 2006

Trilogie fraternelle (2)

La suite de notre trilogie fraternelle, ou comment un groupe de rock prometteur ne sortit pas du garage et de l'influence du sport sur le sentiment d'identité cantonale ainsi que sur l'équilibre de ses pratiquants... Si vous avez manqué l'épisode 1, c'est juste en dessous, ou alors c'est ici!

(...) Et puis, l’aurore boréale de tes 20 ans arriva, dans la plus simple expression d’un p’tit gars sympa, avec une bonne tête, et, je crois, qui n’en demandait pas plus ! Tu écoutais les Floyd… Parfois, tu me faisais découvrir un groupe dont personne n’avait jamais entendu parler sauf le mélomane Franco (qui « apprentissait » dans un magasin de musique) et qui connaissait, qui dégustait pardon, la « panacée mélomaniaque psychédélique » au quotidien ! Alors, je m’exécutais ; j’écoutais religieusement les vynils que tu me prêtais, et je disposais tout aussi méticuleusement ceux que tu me donnais dans la mesure où le borborygme de la mélodie n’impressionnait pas ton acuité auditive, il faut le dire, extrêmement développée depuis que tu chantais dans ce groupe promu à un avenir prometteur mais dont la carrière fut stoppée net par le manque d’ambition des ses membres. «Cœur de pierre » je crois. Tout un programme ! Je revois le poster de Bob Marley placardé sur le mur de ce si attrayant local de répétition et je vois encore papa faire de la prévention systématique contre les dangers d’incendie. Avec le recul, je me dis que compte tenu des cheminées à l’œuvre dans ce local, si Fatima peut se targuer d’avoir aperçu la Vierge, vous, vous pouvez vous vanter du fait que Dieu est intervenu personnellement pour épargner à papa des soucis administrativo-financiers avec les assurances.

Puisque nous sommes dans le registre de la musique, il me semble, maintenant que j’en parle, avoir vu et entendu, comme le bon petit frère que j’étais, de la musique d’un registre que je ne retrouverais pas de sitôt ! Du bon comme du mauvais. La plus grande daube à l’applaudimètre fut sans conteste un guitariste (probablement manchot) qui se faisait nommer dans les milieux autorisés « Snowy White ». Ca ne s’invente pas ! Mais tu ne t’en souviens probablement plus car tu n’as pas dû l’écouter souvent. Entre autres soupes abyssales, figurait aussi une galette de « East 17 » que Markus t’avait offert en reconnaissance de tout ce que tu avais fait pour lui à Heidelberg. Quelle reconnaissance, et surtout comme il te connaissait bien !!! Tu as dû en passer des heures à discuter musique avec lui… Mais je dois confesser que sur ce coup-là tu avais fait preuve de philanthropie. Il n’était pas question que tu me laisses pervertir mes goûts musicaux en pleine épanouissance en écoutant des (ma citation est interprétative) « pingouins sardanapalesques et à roulettes s’il vous plaît ».

Ah, Heidelberg, Mannheim, l’allemand, la tellement jolie Jacqueline que je revois encore avec ses binocles d’astronome, ronds et sexys… Cela aussi je m’en rappelle, un peu avec la même vision que devait avoir la pauvrette, comme si j’avais été derrière un hublot contemplant ta vie qui passait et qui, j’en faisais la remarque à moi-même, ne semblait pas te concerner. Lorsque tu es parti pour l’Allemagne pendant un mois (un mois par tous les diables !) j’ai cru que je t’avais perdu pour toujours… Oh non, je n’ai pas pleuré –j’étais un dur, un hockeyeur- mais combien de fois me suis-je retrouvé dans mon lit, à 13 heures, papa couché sur le divan du salon, maman faisant la vaisselle et moi, allongé comme un macchabée, morose et orphelin de celui qui était mon frère et, déjà, mon ami. C’est toi en effet que je venais taquiner pendant que tu lisais peinard sur ton lit. Et, à bien y repenser maintenant, je trouve que tu fus très magnanime envers moi dans cette circonstance comme dans bien d’autres d’ailleurs.

Je n’oserais continuer ce petit aperçu biographique sans faire référence au sport, cette activité qui empêche les jeunes de traîner dans la rue, de boire des verres et de fumer de la drogue. Cette sainte institution recommandée par tous les parents en prévention de tous les maux. Toi, pour ne pas tomber dans les bras si attrayants de la débauche (c’est fou chez les hommes ce besoin de se rapprocher de l’abîme), tu avais choisi le handball. Il faut dire qu’un philanthrope répondant à l’onomatopée «Tutu » était l’exemple même du sportif qui avait réussi à éloigné toutes les tentations du monde interlope, contribuant ainsi à rendre le handball très populaire chez la jeunesse sierroise. Allez savoir pourquoi ? Aussi, pour justifier la mélopée sportive des plaignants de la vie que vous fûtes, fallait-il parfois avaler (que dis-je, engouffrer, voire tsiffler) quelques kilomètres pour s’en aller faire un peu de gymnastique rythmée au tambourin des artifices zygomatiques. J’ai spécialement en tête ce fameux tournoi qui devait se dérouler sur tout un week-end… à Lausanne je crois où dans un secteur voisin de la mégalopole vaudoise ! Nous nous en fûmes revenus comme si nous avions gagné la coupe Stanley, comme des mercenaires du far west qui avaient débarrassé de leurs tyrans les pauvres paisanos locaux. Il y avait Cuennet, Caloz, le jekr, Laurent, toi, moi et Hervé. Nous étions 7 cela va de soi. Ce jour-là, en franchissant les portes du car qui nous ramena sur nos terres natales, nous étions tous morts, il n’y en avait pas deux qui marchassent droit devant lui.

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