29 août 2006

Farewell, JD!


Tortilla Flat était en fête. Les amis avaient réunis grande quantité de gallons de vin. Le plus hardi d'entre eux poussa même la générosité jusqu'à dégarnir son congélateur d'un splendide et massif fromage qui fut sacrifié sous le fourneau selon le rituel compliqué de la raclette. Les coeurs étaient légers et virevoltaient dans les poitrines. Le fils prodigue, l'incommensurable auteur de nos chroniques malgaches sorti de son île lointaine, était en effet de retour parmi les siens pour un séjour que tous voulurent inoubliable. C'est ainsi qu'ils se réunirent en un carnotzet et, entre le bar et la grande table en bois, commencèrent leurs libations...

Ils arrivèrent par grappes, chacun à leur rythme et porteurs d'offrandes diverses dues à leur ingéniosité, talent culinaires divers autant qu'à leur générosité. Très vites, ils furent plus à se presser que les doigts des deux mains réunies ne purent compter, ce qui fut de peu d'importance, car nul n'en eut l'idée. Et puis, aussi, qui aurait l'idée saugrenue de compter sur ses doigts, alors que l'homme bien né compte sur ses amis pour les coups de pouce et autres problèmes majeurs pouvant conduire à la mise à l'index. Si les doigts travaillèrent tout de même d'arrache-pied, ce fut plutôt pour déboucher ces fameux gallons dont le pays n'était pas avare. Le sang de la terre coula ce soir là, et il se trouva de nombreux volontaires pour éponger l'hémorragie, partant du principe que l'avaleur n'attend pas le nombre des années.

Puis l'excitation monta, car enfin il fut là, notre ami JD, ce serrurier des situations festives, lui dont près d'un mois d'un séjour qui l'avait entraîné jusqu'en Bosnie avait déjà bien entamé les réserves. Et oui, il n'avait pas été ménagé, car tous voulaient le voir, l'entendre, le toucher jusqu'à plus soif (et ça, on ne sait jamais jusqu'où ça peut aller...). Aussi l'addition de toutes ces bonnes volontés individuelles commençait à produire sur ses paupières l'effet de la houle sur la mer et quelques larmes salées s'en échappaient parfois.
De toutes les fêtes qui furent projetées pour notre chroniqueur, il en est un autre qui n'en manquât pas une, ce frère qui lui était lié par le sang et l'âme, quand ce n'était pas le foie qui, de six roses, fait de si belles gerbes. Ce frère qui, tout à sa joie, n'en pouvait plus d'offrir à son revenant l'abri de la fraternité réunie. Et, quand par hasard JD quittait ce chaleureux abri, partout et à toute heure, son frère le retrouvait pour l'entraîner plus avant dans ces nuits que l'été raccourci déjà bien tout seul.

On se pressa autour de lui, on lui prit sa veste et on l'installa confortablement à la table du banquet dressé en son honneur alors que le fromage fondait à vue d'oeil sous les effets conjugués de l'impitoyable fournaise et d'un couteau sacrificiel manié d'un geste auguste et régulier par l'officiant de service, qui fut plus tard remplacé afin qu'il put lui aussi circonvenir sa fin de mets et de mots. Puis, le fromage réduit à l'état de scorie fumante, vint le temps des multiples desserts où plus d'un convive avait mis la main à la pâte croustillante.


En ce moment où les gilets se desserrent et les esprits soupirent d'aise, le feu de la conversation fut nourri de plus d'une histoire, qui toutes devaient au vécu de leur conteur et au piment de son imagination. Et nul ne fut avare de sa bûche pour réchauffer une atmosphère qui n'en demandait pas tant, et les plus talentueux trouvèrent leur récompense dans les rires d'un auditoire conquis. Des thèmes abordés, des plus graves aux plus légers, les amis n'eurent de cesse qu'ils en eurent extrait les diverses facettes et implications morales, me manquant pas d'en tirer des leçons qui seraient profitables au plus grand nombre. Et quand l'imagination marquait ses limites, il ne manquait pas de protagonistes afin d'en recréer les éléments essentiels à l'édification de tous. C'est ainsi que se transmet la sagesse du peuple et que se perpétuent les actes de sages, afin que nul malintentionné ne put un jour en nier l'existence. C'est ainsi que deux frères présents dans l'assistance (autres que ceux déjà mentionnés ici), émus aux larmes, apprirent comment leur père sut, un beau soir, sauver la dignité du narrateur pris, à défaut de marteau et d'enclume, entre la lime et l'étau, et veiller sur le sommeil de son benjamin.

Pour mesurer l'avancement de la soirée, je n'ai pas de honte à passer la parole à plus érudit que moi: "Juste au-dessous de l'épaule de la première bouteille, conversation sérieuse et concentrée. Cinq centimètres plus bas, souvenirs doux et mélancoliques. Huit centimètres en dessous, amours anciennes et flatteuses. Deux centimètres de plus, amours anciennes et amères. Fond de la première bouteille, tristesse générale et sans raison. Epaule de la seconde bouteille, sombre abattement, impiété. Deux doigts plus bas, un chant de mort ou de désir. Encore un pouce, toutes les chansons qu'un connaît. La graduation s'arrête là, car les traces s'effacent alors et il n'y a plus de certitude: désormais n'importe quoi peut arriver." (John Steinbeck, Tortilla Flat)


Si, du fait de son entraînement et de sa résistance, l'assistance s'économisa quelques unes des plus pénibles de ces étapes et en fusionna certaines autres (certaines amours anciennes pouvant être à la fois flatteuses et amères), elle ne s'épargna pas le point où tout peut arriver. Et l'on fit donc sauter bombes et bouchon, on se travestit au point qu'une chatte n'y aurait plus reconnu ses petits et la nuit ses adorateurs, dont les plus résistants assistèrent à la dilution dans l'aube naissante. Mais tout ne doit pas être écrit, et il est bon que le voile du mystère habille encore certains délicieux volets de l'incertitude.

Farewell, et 'saire JD!


PS: Vous avez accès à l'album photos complet de la soirée. Pour y entrer, introduisez mon adresse Gmail. Le mot de passe est constitué du prénom de la maman de JD, pour les connaisseurs... Les autres peuvent m'envoyer un mail!

26 août 2006

Tom & Jerry en cancer

On se souvient de l'assaut de parents californiens contre ces contes pour enfants discriminatoires qui pervertissent l'esprit fragile de nos enfants, fruit des manigances des ces terroristes subversifs de frères Grimm. Et si vous ne vous souvenez pas, faites comme si. Par bonheur, le comité de vigilance révisionniste protège notre pureté lexicale comme un épicier chinois son nuöc mam. C'est ainsi que Blanche Neige et les 7 nains, de l'autre côté de l'Atlantique, ne s'appelle plus que Blanche Neige. Parce que jeux de nains, jeux de vilains. Et parce que Blanche Neige et les personnes-qui-respirent-leur-oxygène-au-niveau-du-nombril- des-autres ça la fait moins. Et en plus, une donzelle, fut-elle princesse, qui vit seule avec sept gaillards au milieu de la forêt, ça a de quoi perturber le délicat équilibre de jeunes adultes en devenir vivant en communauté urbaine. L'exemple fait école... en Angleterre,étonnant, non? Et c'est ainsi que Tom et Jerry vont devoir arrêter de fumer...

Un brave et vertueux représentant de la bière Alfion, entre deux bouchées de sanglier bouilli dans une sauce à la menthe, n'a pas hésité à prendre sa plus belle plume, after eight, pour chatouiller l'autorité de surveillance télévisuelle et exhaler sa révolte à pleins poumons. Objet de son courroux? Les dessins animés de Tom & Jerry et leur scandaleuse apologie de la cigarette...

Drôle d'époque, quand même. Des milliers de personnes peuvent écrire, descendre dans la rue en jouant de la crécelle pour protester, au hasard, contre un truc futile et banal comme l'invasion de l'Irak. Autant péter dans leurs pantoufles. Mais qu'un seul homme se dresse pour dénoncer la fumeuse tenue de Tom & Jerry, là, on touche aux grands problèmes avec un grand P -et un petit Qi-! Chez ces gens là, la réalité on s'en fout, mais la télé, c'est sacré. Il est donc indéniablement criminel d'exposer les petits anglais à cette vile tentation, ils finiront par se goudronner le tube et attraperont le cancer avant que vous ne puissiez leur passer leur uniforme des Marines. Et tout ça cendrier gare. Moi, quand on fume trop, j'correctionne plus. Je filtre. Je t'abac.

Mais pourquoi diable s'arrêter là? On veut cesser de mégoter? Soit! Eliminons aussi les gras du bide, enfin, les personnes à circonférence importante et faible densité musculaire (C'est toujours à côté de VOUS qu'ils choisissent de s'asseoir dans le bus, pourquoi?). Rhabillons les personnes à l'épiderme exposé. Tamisons la Cène en y peignant des couteaux et des fourchettes. Que Jésus transforme l'eau en Rivella et que les vaches ne soient plus traites qu'à tétines couvertes et par des femmes uniquement.

L'action anglaise est efficace et salutaire. Tiens, en Irak (au hasard)! Depuis leur divine intervention avec l'oncle Sam, plus de 100'000 civils irakiens ont définitivement cessé de fumer. Mais ils se font toujours des cendres.

Plus con tumeur!

16 août 2006

Tu paies un pot?

Encouragé par son premier succès, notre mystérieux lecteur a remis ça. Sa première lettre n'était qu'une mise en bouche! Au deuxième coup, enhardi par son premier succès, le montant contesté est passé de CHF 40.35 à CHF 125.10, ce qui illustre bien l'inflation galopante qui nous frappe, à laquelle nos impôts ne font malheureusement jamais exception. Mais sachez-le, notre administration ne se sert pas de ses oreilles uniquement pour vous tenir à l'oeil. Il lui arrive de vous écouter, et, si elle ne vous l'a pas fait perdre avant, de vous donner raison. Elle brasse de l'air, certes, mais n'est pas toujours ce moulin à vent contre lequel luttent les Don Quichotte de la terre. C'est ainsi que notre administré obtint raison une deuxième fois en l'espace de deux mois, de façon si stupéfiante que ça mérite de n'être point oublié...


XXXXXX, le 4 avril 2006

XXXXXX
Office cantonal du contentieux
Av. XXXXXX
XXXXXX


Concerne : impôt fédéral direct 1998


Messieurs,

En ces temps de bousculade fiscale, c’est avec un non plaisir presque dissimulé que je m’adresse à vous pour la deuxième fois en deux mois.

Concernant les intérêts de retard de l’impôt fédéral direct 2004 que l’on m’avait injustement imputés et au sujet desquels je vous avais envoyé une lettre pour réclamer la mise en reliquat du montant de 40.35 FS pour les années prochaines -ce que vous avez très justement accepté-, je tiens à vous remercier chaleureusement et à vous féliciter pour votre sens du discernement.

Mais mon propos - vous vous en doutez- ne concerne pas cette affaire classée. J’ai payé le 23 mars de cette année un montant de 146.10 FS en règlement de la facture du 20.03.2006 concernant les impôts fédéraux 1998 (et oui, ça ne s’invente pas !), montant dans lequel on me stipule qu’il y a 20,45 FS de « frais + intérêts de retard ».

Il est inutile de préciser quelle ne fut pas ma stupeur lorsque j’ai ouvert une première fois le courrier (facture du 11.01.2006, n° de référence 108.643.019.10.970.4) qui me réclamait cette somme avec un retard de (excusez du peu) 8 ans ! J’avais pris alors le téléphone et avais appelé le service ad hoc pour comprendre ce qui s’était passé.

Je ne vous cache pas que c’est un véritable parcours du combattant pour que quelqu’un soit enfin disponible et puisse vous répondre. J’espère du reste que l’on ne me facturera pas la prise en charge téléphonique, car figurez-vous que j’ai dû appelé au moins une trentaine de fois et que j’ai entendu tout autant de fois ce laconique message : « Veuillez rappeler plus tard, nos correspondants… ». Ce n’est que le 15 février (soit un mois plus tard) dans l’après-midi (vous pouvez vérifier) que j’ai finalement réussi à joindre un « correspondant ». Je lui ai expliqué mon cas, et ce dernier (qui ne m’a malheureusement pas donné son nom) m’a expliqué qu’il s’agissait d’une erreur et que je pouvais tout simplement oublier cette facture, ce que je m’empressais de faire.

Mais cela ne devait pas s’arrêter là. Je reçus le 27.02.2006 la même facture (celle que je pouvais « laisser tomber », n° de réf. identique) sur laquelle étaient ajoutés des intérêts de 0,20 FS. Vous vous imaginez bien, XXXXXX, que ce n’est pas cette somme dérisoire qui m’a fait bondir sur mon téléphone, mais bien les 125.65 FS qu’on me réclamait à nouveau.


Je repris alors mon mal en patience et j’appelai le même service. J’eus plus de chance cependant : au bout du quinzième coup de fil seulement, j’obtins qu’on me dise ce qui s’était passé (tél. du 13.03.2006 l’après-midi, vous pouvez revérifier). Là, même discours ; on n’avait pas compris ce qui s’était passé et on me confirma que je n’étais pas astreint à payer cette facture. Je m’assurai auprès de la dame qui m’avait répondu que « c’était son dernier mot » de manière à éviter des désagréments ultérieurs. Notez au passage qu’elle n’a pas daigné me dire quoi que ce soit sur son nom ou son titre professionnel ; et comme la politesse est un de mes principes fondamentaux, je ne lui en demandai pas plus.

Je considérai donc l’affaire comme définitivement réglée quand, ô stupeur, je reçus, il y a de cela maintenant très exactement 15 jours, une troisième facture pour le même montant, additionné des pénalités susmentionnées.

Vous comprendrez, XXXXXX, mon courroux ! Qu’il y ait des problèmes de communication dans vos services demeure votre problème, et je ne veux surtout pas m’en mêler. Mais dès le moment où c’est à moi d’en faire les frais, je m’insurge.

Dès lors que cela fait huit ans que je suis censé avoir payé cette facture, il va de soi que les documents qui pourraient prouver que je l’ai payée ont disparu (j’habite un trop petit appartement pour garder tout ce qui ne me sert à plus rien). Je me vois donc dans l’obligation de faire à nouveau appel à ma bonne foi comme simple faire valoir. Et même si je suis conscient qu’en face du mastodonte que représente une telle institution cela est bien peu, je sais également que, si je n’étais tout simplement pas de bonne foi, je n’oserais user de ce recours une seconde fois. En outre, je continue de croire en votre sens de la justice qui a déjà su, il n’y pas si longtemps, déceler l’honnête homme.

Je vous laisse seule juge de ce que vous êtes en droit de porter en compte en ma faveur sur les prochains bordereaux qui ne manqueront pas d’arriver, et qui seront, comme vous le savez, très élevés.

Dans l’intervalle, je ne peux que vous présenter, XXXXXX, mes salutations distinguées et vous souhaiter de bonnes fêtes pascales.


XXXXXX

Gare à vous, fisc!


Fisc! Fichtre, voici un mot qui ferait se dresser les cheveux sur la tête de Dany, Pilon, Big Joe, Le Pirate, Jésus Maria et toute la clique de Tortilla Flat! Fort heureusement, leur patrimoine réduit les a mis à l'abris des tentacules de l'hydre. Ca n'est pas le cas de tous les lecteurs de Tortilla Flat, et nous désirons leur venir en aide. Je partage donc avec vous une lettre d'un de nos lecteurs adressée au Service du contentieux de l'Etat du Valais relativement à ses impôts. Pourquoi cette lettre? Tout d'abord, parce qu'elle est drôlatique avec ses accents John Irvingesques. Mais surtout, parce que... elle a atteint son but et épargné à son auteur la somme incroyable de CHF 40.35! Vous tous qui vous débattez contre la voracité du molosse fiscal, ne perdez pas espoir! Il lui arrive en effet de desserrer ses canines...


XXXXXX, le 15 février 2006


XXXXXX
Office cantonal du contentieux
Av. XXXXXX
XXXXXX


Concerne : impôt fédéral 2004


Messieurs,

Je me permets de vous écrire pour vous demander de mettre en compte le montant des intérêts de la facture des mes impôts fédéraux 2004, soit 40, 35 FS.

En effet, j’ai payé aujourd’hui même le montant de 1'471.65 en règlement de la facture du 19 janvier 2006 avec le montant des intérêts que vous m’avez injustement imputés.

En effet, jamais je n’ai reçu de facture concernant ce montant, et par conséquent, je m’étonne de voir apparaître le montant des intérêts susmentionnés.

Il va sans dire que je n’ai aucune preuve de n’avoir pas reçu cette facture plus tôt et ne peux donc compter que sur ma bonne foi. Seul le respect que je voue aux institutions fiscales (prouvé par mes paiements prompts et complets de chaque facture) m’engage à faire cette requête.

Je m’étonne en outre de la lenteur du système. En effet, je reçois par le même courrier quatre impôts différents et datant d’années diverses. Ma conscience citoyenne me dictant la gestion minutieuse de mon patrimoine financier au vue du paiement de ce qui fait fonctionner une collectivité, je suis en mesure d’honorer tous les retards d’impôts, mais je suis surpris de cette pratique si peu digne d’une administration aussi performante que la vôtre.

Ayant été absent en 2001-2002, et n’ayant pas été assujetti à un impôt pour cette période, j’ignore tout simplement les nouvelles pratiques qui régissent le monde du fisc.

J’ajouterai que, au vue des sommes colossales que je paie, tant à ma commune de résidence, qu’à mon canton et à mon pays, il me semble que cette somme dérisoire, en témoignage de la peine et au vue du temps (qui est de l’argent, vous le savez mieux que moi) que je prends pour vous écrire, devrait être mise en reliquat pour les impôts à venir.

J’espère que vous prendrez bonne note de ma petite missive et vous présente, XXXXXX, l’expression de mes sentiments distingués ainsi qu’une excellente journée.


Non lucrativement vôtre, XXXXXX

12 août 2006

A Toi, Mon Jean-Baptise

Molière
Après avoir passé le cap du 50è article et pour assurer sa pérennité en le plaçant sous les meilleures auspices, je dédie ce site à cet immense et incommensurable auteur des Précieuses ridicules, du Dépit amoureux, Sganarelle, L'école des femmes, du Médecin malgré lui, du Misanthrope et j'en passe et non des moindres, j'ai nommé Jean-Baptiste Poquelin. De tout temps, cet auteur à la verve mordante, témoin implacable des travers de son époque est des autres tant il a accédé à l'intemporel, s'est fait le chantre des belles lettres sans tomber dans les serviles compromissions guettant ceux dont la tête dépasse dans la foule. Drôle sans être méchant, cru sans être vulgaire, lyrique sans être pompeux, populaire sans être populiste, ce Jean là donna au plus grand nombre le baptême de la littérature et du théâtre.

Ô mon Jean, tu as tout traversé et tout subi, tant les louanges que l'implacable calomnie des ignares, sans jamais laisser ton talent s'affadir. Puisse cet éloge te complaire par delà les époques, et ma misérable prose qui ne dit pas grand chose ne point provoquer ta psychose. De ton héritage à travers les âges je fais maigre usage, mais mon coeur est pur. Ô mon Molière, que ce nom résonne en moi de belle façon, de te lire jamais je ne me lasserai, d'entre tes lignes je boirai tes vers. Tes vertus sont éternelles, et cette dédicace est bien la moindre des reconnaissances pour tout ce que tu as fait pour moi, sans même me connaître, les caprices du temps nous ayant éloignés d'irrémédiable façon. Mais qu'as-tu donc fait pour moi? C'est vrai ça, nom d'un chien... Après tout, tu ne m'as jamais rien dédicacé, toi! Fichtre! Pas le plus petit écrit, rien de rien de rien. Même pas un lien sur mon blog, tudieu! J'te dédicace donc que dalle. Vil cloporte. Non mais c'est vrai, y'a pas de raisons. Dédicace, dédicace, est-ce que j'ai une tête de dédicace moi? Me prendrais-tu pour un de ces veau bêlant stupidement avec les bien-pensant? Vertuchou! Pis je te rappelle qu'ici la référence c'est Steinbeck, mâtin, quel gaillard! Les américains c'est quelque chose, en tout cas ceux envahissent le monde avec leur plume plutôt qu'avec leur fusil. T'es bien gentil mais sans blague. Grande gueule va. On m'y reprendra, moi et mes bonnes intentions.



P.S. L'article ci-dessus est une variation libre et plagiée de mes souvenirs –lointains- de lecture de Gotlib. Juste pour vous dire, comme ça, en passant, que ses oeuvres sont en train d'être rééditées. Moi même, je ne l'ai appris qu'hier. M'en vais me remettre à jour (Chaprot, vous êtes zéro) de ce pas martial et alerte qui est le mien, et je vous encourage à en faire autant... Aaah, la Rubrique-à-Brac, les Dingodossiers, Pervers Pépère et tout le toutim...



07 août 2006

Chez Dzordgio, bar le Long Play, Doboj

Bar Long Play, Doboj
Tortilla Flat poursuit son exploration du monde, et vous ouvre une lucarne sur un lieu improbable et hors du temps, le bar Long Play, à Doboj (carte), en Bosnie-Herzégovine. Tenu par Dzordgio, musicologue averti et philosophe à ses heures, vous en ressortirez le verre vide et l'esprit rempli de l'âme du lieu, qui doit autant au charme underground de l'endroit qu'à la chaleureuse humanité de ses occupants. Cette arène fut également l'un de ces nombreux points du globe où les frères Melly oeuvrèrent à l'entretien de cette amitié fraternelle si forte et si profonde qui les lie, puisque que JD, notre chroniqueur malgache (cf menu de droite) y résida en famille pour des années qu'il n'oubliera jamais. Jérôme nous raconte...

Pour rejoindre cet endroit, il faut quitter le centre-ville et marcher dix petites minutes en direction du sud. L’endroit est mal indiqué et les alentours sont assez déserts. Les habitants de Doboj préfèrent le « Sportcafé » à l’américaine. Pas tous cependant !

Il vaut mieux y aller avec un gars qui connaît déjà l’endroit car il s’agit là d’un lieu très spécial, tenu par un Serbe. Vous n’y rencontrerez personne ou presque. Je veux dire par là que vous ne ferez pas la connaissance de nouvelles personnes ; la place n’est fréquentée que rarement, et quand elle l’est, elle nous restitue ce je ne sais quoi de familier qui vous indique en effet, que personne ne vous connaît et que, pour autant que vous le sachiez, vous ne connaissez personne à Doboj, Bosnie-Herzégovine. Mais, par la magie du lieu et de ceux qui le fréquentent, vous vous ferez très vite de nouveaux petits compagnons de jeux, qu’ils soient Bosniaques, Serbes ou Suisses.

Mais pénétrons sans plus tarder à l’intérieur. Tout de suite, nous sommes plongés dans un endroit qui n’existe pas. Une sorte de hangar molletonné par quelques lumières tamisées, parcimonieusement et judicieusement disposées sur les murs nous fait une impression de chez soi délicieusement envoûtante.

Long Play dog

Sur la gauche, un minuscule bar derrière lequel trônent, comme des trophées rares, mais dont on est fier, un certain nombre de flacons d’ici et d’ailleurs. Une dizaine de pochettes à vinyles au plafond révèlent les excellents goûts musicaux du patron qui, respect du matériel oblige, ne laisse personne toucher à sa stéréo pourtant plus que désuète.

Au fond, dans ce qu’on pourrait appeler la salle récréative, un billard. Aucune table ! Au « Long Play », on boit debout ou accoudé au bar à la frontière de la première et de la deuxième salle séparée par la seule impression que, un escalier plus haut, autour du tapis vert, il se passe d’autres choses beaucoup plus importantes qu’au « rez ».

Certes, il y a une table, mais dans la troisième salle, celle séparée des autres par un mur auquel on a fait un trou rectangulaire en guise de passage. C’est la salle d’accès aux toilettes, ou à la cascade turque devrais-je dire. Soyez sur vos gardes, l’eau, sitôt la bobinette tirée, jaillit comme un jet de feu hors de la gueule d’un dragon ! Dans cette salle, rien, si ce n’est cette insignifiante table ronde et ses deux chaises de jardin. Au-dessus, une enseigne verte et rouge avec le nom de la bière qui sponsorise le lieu. Sobre, sombre, sibyllin.



Les divertissement ne manquent pas, on y parle allemand, serbo-croate (langue locale pour ne froisser personne) anglais, un peu, et surtout, on y peut attendre, boire, proposer au patron de mettre une chanson que tout le monde a oublié sauf vous, y aller de ses commentaires (mais discrètement) sur le jeu des aficionados de la boule ronde, moyenne, dure et lourde, et enfin, « last but not least », s’essayer à quelques photos ( en annexe) d’art et d’essai dans ce lieu qui ma foi, se prête volontiers aux histoires humaines.

L’atmosphère y est conviviale mais on pressent que la vie n’a pas toujours été facile et ne l’est plus. Dzordgio, le patron, est quelque peu désabusé ; la guerre l’a ramené au pays, et avec lui, ses illusions stuttgartoises, sa soif de conquête et d’occidentalisation.

Mais, loin des vicissitudes de l’Europe, à Doboj en Bosnie-Herzévogine, on sait ce que c’est l’hospitalité, on a mesuré l’importance de la vie à l’aune des décès dans la famille ; la guerre a sacrifié pour vous, sur l’autel de la religion, votre passé, votre présent et peut-être votre futur.

Que vous reste-t-il alors ? Des murs chichement décorés, des disques, des amis et avant tout, un lieu. Que dis-je, un chez soi. Plus que ça, une patrie, celle qu’il n’a pas et qu’il a eu ailleurs, dans d’autres temps !

Et si dans cette petite annexe à l’existence, parfois Dzorgio se sent seul, au moins y retrouve-t-il ce qu’il a créé et qui lui rappelle que lui n’a jamais perdu sa propre dignité.

Et c’est cela qu’on aime chez Dzorgio, au « Long Play ».

Jérôme Melly

05 août 2006

L'homme qui a vu l'ours

L'homme qui a vu l'ours
Nous avions partagé avec vous, il y a quelques jours, nos considérations oiseuses sur le nouveau plan ours de nos amis confédéraux. Cette bible des rencontres ursidées devrait être, de façon assez urgente, traduite en chinois. En effet, quand ils ne flottent pas dans nos tasses de thé, il arrive aux chinois de se promener en s'exposant à de mauvaises rencontres. Par exemple avec un représentant de la catégorie ours à risque. C'est ainsi qu'un chinois a fait une entrée remarquée dans le monde de la haute couture, en imposant une nouvelle griffe, qui a nécessité une nouvelle greffe.

On voit bien ici le résultat d'une absence de réflexe approprié et d'un manque flagrant du bel esprit analytique dont sont dotés tous les bénéficiaires du plan ours. Il faut tout de même noter que ce plan a été fait spécifiquement en fonction de l'ours suisse, les besoins alimentaires et les instincts des ours chinois n'ayant pas été analysés. Pour la petite histoire, il faut encore savoir que, suite à une méprise arrivant même aux meilleurs, un fonctionnaire zélé à l'orthographe phonétique avait dans un premier temps ressorti le plan URSS (vous savez, celui où les rouges nous attaquent pile pendant notre cours de répétition, à l'heure de l'apéro, y respectent rien dans les kolkhozes, salauds!). Cette tragique méprise corrigée grâce à la convocation immédiate d'experts dans le cadre d'un cours de protection civile, reste maintenant à s'atteler au reste du travail. On sait en effet comment réagir de façon korrect tip top quand on voit un ours. Reste maintenant à prévoir un scénario quand c'est l'ours qui nous voit... Franchement, une greffe du visage à chaque fois... Bon, pour les gens qui sont mal dans leur peau, peut-être que celle des autres leur ira mieux, mais ça doit pas être la majorité, malgré notre sombre époque. Mais oui, madame Machin, ah, de notre temps les ours étaient bien élevés et nous saluaient dans la rue, après avoir raconté des comptes à Perlin et Pimpin. Y'a plus d'époque. Pour les nostalgiques, et pour la convalescence de tous les greffés du visage, je vous propose la lecture suivante: