05 septembre 2006

Les Miracles de la Cour...


Le 21è siècle étend son emprise sur notre planète. Sur toute la surface du globe, la lèpre du béton se répand, marée grise implacable et inexorable. Sur la ville de Sierre, un soleil indifférent contemple l'inéluctable. Les troncs gémissent en tombant, laminés par les chaînes des tronçonneuses. Les arbres survivants sont gardés prisonniers derrière de hautes clôtures, et bientôt, il faudra payer pour les voir. Dans nos prés, les tendres chenilles ont fait place à celles, métalliques, des bulldozers. Les gais laboureurs ont été remplacés par des armées de manoeuvres disciplinés qui sèment consciencieusement leur grains de bitumes, afin de nourrir le dieu automobile qui avale son asphalte mécaniquement d'un phare avide. Dans ce brouhaha, on ne se parle plus, on communique dans un bain d'ondes dispensées par les becs d'acier qui surplombent les collines ancestrales, venant ricocher sur les hauts murs qui cimentent notre horizon. Les légions du progrès, menées par des généraux stressés en costume sombre sont en marche. Il est cependant un petit endroit qui, encore et toujours, résiste à l'envahisseur. A la Cour des Miracles la fantaisie n'a pas encore été sacrifiée sur l'autel terminus de l'ordre et du règlement communal... ...

Dans ce lieu improbable, niché en plein coeur de la ville à l'ombre des vieux bâtiments de pierre, ont trouvé refuge artistes et musiciens, trouvères et troubadours désireux de s'extirper un instant de la fureur du monde. Si, à l'origine, les cours des miracles étaient des repaires de voleurs et de brigands, ainsi que de mendiants et estropiés de toutes sortes qui venaient s'y défaire, la nuit tombée, des infirmités dont ils s'affublaient le jour afin d'extraire leur pitance des poches de bourgeois plus ou moins compatissants, leur nature a évolué avec le temps. Les voleurs ont maintenant pignon sur rue et s'en prennent à vos poches sans même prendre la peine de vous demander la charité. Ils vous assomment à coup de slogans, petits-crédits, prêts à usage, taux préférentiels (où la seule chose qui est sans intérêt est leur attention qu'ils vous prêtent) et autres hypothèques légales, avec une ingéniosité qui n'a d'égale que notre crédulité. Et c'est à la Cour des Miracles que trouvent refuge les amateurs d'instants non-lucratifs.

On y partagera une soupe, aromatisée d'un instant de convivialité, on se servira dans un bar fourni par la générosité de donateurs anonymes, on viendra y griller sa viande et les défroques d'un stress extérieur de mauvais aloi. Ici, on peut être à choix organisateur ou participant, acteur ou spectateur, selon son bon plaisir.

Dans ce creuset sont nés, dans un inventaire à la Prévert dû à la subjectivité de son auteur et limité par son ignorance, les Dimanches de la création, où artistes et artisans travaillent à leurs oeuvres en osmose avec leur public, des expositions étonnantes, des représentations théâtrales, des concerts, des tournages, des projections, des Bethléem Bars, des jams sessions déjantées et toute une collection d'événements volés au temps et à la logique.

Il durera ce que dure les cirrhoses, l'espace d'une golée. Ne vous demandez pas quoi, quand, comment, pourquoi... Les choses y naissent, y vivent, y meurent sans prévenir, s'offrant au pèlerin de passage qui aura eu la curiosité de s'y arrêter pour y voir, sentir, écouter, humer et flairer l'air hors du temps...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Putain, tu m'as fait peur. En lisant ton intro, j'ai cru qu'ils l'avaient finalement transforme en parking... Si ca devait arriver, faites-le moi savoir et je saute dans un avion pour filer une claque a l'archictecte de la ville. (Oui, vous Monsieur Machin! peteur de gare moche). Et merci pour le lien vers le site du Bethleem Bar !!! Peut-etre que maintenant, je vais enfin recevoir des photos des editions 2003 a 2005 et faire repartir ce site poussiereux.

La Cour des Miracles est une merveille. Cherissez-la !

Pilon a dit…

C'était pour la dramaturgie de la chose... Et un jour, il va tout faire pour la mériter, sa baffe, alors autant te tenir prêt!

Anonyme a dit…

De tout coeur, "merci"